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l’insulte n’en arrivera pas moins jusqu’à vous. Il suffit d’un mot pour que mon bras vous soit une égide et réduise vos ennemis au silence. Ce mot fera en même temps le bonheur de ma vie ; si ce n’est par amitié pour moi, dites-le au moins par intérêt pour vous-même.

— Non, monsieur André, répondit doucement Geneviève en lui laissant prendre sa main, ce mot ne ferait pas le bonheur de votre vie ; au contraire, il vous rendrait peut-être éternellement malheureux. Je suis pauvre, sans naissance ; malgré vos soins, j’ai encore bien peu d’éducation : je vous serais trop inférieure, et comme je suis orgueilleuse, je vous ferais peut-être souffrir beaucoup. D’ailleurs votre famille ferait sans doute des difficultés pour me recevoir, et je ne pourrais me résoudre à supporter ses dédains.

— O froide et cruelle Geneviève ! s’écria André, vous ne pourriez rien supporter pour moi, quand moi je traverserais l’univers pour contenter un de vos caprices, pour vous donner une fleur ou un oiseau. Ah ! vous ne m’aimez pas !

— Pourquoi me dites-vous cela ? répondit Geneviève ; avez-vous bien besoin de mon amitié ?

— Cœur de glace ! s’écria André ; vous m’avez parlé avec tant de confiance et de bonté, nous avons passé ensemble de si douces heures d’étude et d’épanchement, et vous n’aviez pas même de l’amitié pour moi !