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et tranquille chez moi, il me sera fort indifférent qu’on s’occupe au dehors de ce qui s’y passe.

— Tu as tort, Geneviève, tu as tort, je t’assure, de prendre la chose comme tu fais. Je t’en prie, écoute un bon conseil…

— Oui, ma chère, un autre jour, dit Geneviève en l’embrassant d’un air un peu impérieux, pour lui faire comprendre qu’elle eût à se retirer. Henriette le comprit en effet et se retira assez piquée. Elle avait trop bon cœur pour renoncer à défendre ardemment Geneviève en toute rencontre ; mais elle était femme et grisette. Elle avait été souvent, comme elle le disait elle-même, victime de la calomnie, et elle ne se méfiait pas assez d’un certain plaisir involontaire en voyant Geneviève, dont la gloire l’avait si longtemps éclipsée, tomber dans la même disgrâce aux yeux du public.

Geneviève, restée seule, s’aperçut que la franchise d’Henriette lui avait fait du bien. En élargissant la blessure de son orgueil, les reproches et les consolations de la couturière lui avaient inspiré un profond dédain pour les basses attaques dont elle était l’objet. Deux mois auparavant, Geneviève, heureuse surtout d’être ignorée et oubliée, n’eût pas aussi courageusement méprisé la sotte colère de ces oisifs. Mais depuis qu’une rapide éducation avait retrempé son esprit, elle sentait de jour en jour grandir sa force et sa fierté. Peut-être se glissait-il secrètement un peu de vanité dans la comparaison