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de ressentiment peut-on avoir contre moi ? À qui ai-je jamais fait du mal ?

— Ah ! ma pauvre Geneviève ! c’est bien à cause de cela : c’est qu’on sait que tu es bonne et qu’on ne te craint pas. On n’oserait pas m’insulter comme on t’a insultée aujourd’hui ; on sait bien que j’ai bec et ongles pour me défendre, et on ne se risquerait pas à jeter de trop grosses pierres dans mon jardin, tandis qu’on en jette dans tes fenêtres et qu’un de ces jours on te lapidera dans les rues. Pauvre agneau sans mère, toi qui vis toute seule dans un petit coin sans menacer et sans supplier personne, on aura beau jeu avec toi !

— Ma chère amie, je vois que vous vous affectez du mal qu’on essaie de me faire. Vous êtes bien bonne pour moi ; mais vous l’auriez été encore davantage si vous ne m’aviez pas appris toutes ces mauvaises nouvelles… Je ne les aurais peut-être jamais sues…

— Tu te serais donc bouché les oreilles ? car tu n’aurais pas pu traverser la rue sans entendre dire du mal de toi ; et quand même tu aurais été sourde, cela ne t’aurait servi à rien ; il aurait fallu être aveugle aussi pour ne pas voir un rire malhonnête sur toutes les figures. Ah ! Geneviève ! tu ne sais pas ce que c’est que la calomnie. Je l’ai appris plusieurs fois à mes dépens !… et je te plains, ma petite !… Mais j’ai su prendre le dessus et forcer les mauvaises langues à se taire.