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demandes pour leur toilette, laissèrent un grand espace entre elles et la place où Geneviève s’était assise. Elle ne s’en aperçut pas d’abord ; mais le soin que prit Justine de venir se placer auprès d’elle lui fit remarquer l’abandon des autres et l’espèce de mépris qu’elles affectaient de lui témoigner. Geneviève était d’une nature si peu violente qu’elle n’éprouva d’abord que de l’étonnement ; aucun sentiment d’indignation ni même de douleur ne s’éveilla en elle. Mais lorsque le repas fut fini, plusieurs demoiselles, qui semblaient n’attendre que le moment de fuir une si mauvaise compagnie, demandèrent leurs bonnes et se retirèrent ; les autres se divisèrent par groupes et se dispersèrent dans le jardin, en évitant avec soin d’approcher de la réprouvée. En vain Justine s’efforça d’en rallier quelques-unes : elles s’enfuirent ou se tinrent un instant près d’elle dans une attitude si altière et avec un silence si glacial que Geneviève comprit son arrêt. Pour éviter d’affliger la bonne Justine, elle feignit de ne pas s’en affecter elle-même et se retira sous prétexte d’un travail qu’elle avait à terminer. À peine était-elle seule et commençait-elle à réfléchir à sa situation, qu’elle entendit frapper à sa porte, et qu’elle vit entrer Henriette avec un visage composé et une espèce de toilette qui annonçait une intention cérémonieuse et solennelle dans sa visite. Geneviève était fort pâle, et même l’émotion qu’elle venait d’éprouver lui causait des suffocations : elle fut très-