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ment, mais sans relâche, sans jamais sortir de l’enclos qui, tant jardin que bosquet et prairie, présentait, au revers de la colline, un assez vaste parcours. Néanmoins, cette obstination ambulatoire, cette inaction absolue, avec une physionomie absorbée, étaient des symptômes effrayants que Toinette n’osait confier à personne, et qui, augmentant avec la santé apparente de sa maîtresse, lui faisaient perdre la tête aussi, et se jeter dans l’espoir d’une aventure de roman, comme on s’attache à une ancre de salut.

D’Argères observait aussi ces symptômes avec une terreur secrète. Sa répugnance pour les fous lui faisait croire que la belle Laure ne pourrait jamais être à ses yeux qu’un objet de pitié ; mais, par un phénomène bien connu des imaginations vives, cette pitié et cet effroi le fascinaient et s’emparaient de sa contemplation, de sa rêverie, de sa pensée continuelle.

Il croyait l’oublier en faisant de la musique. La maison étant déserte et l’hôtesse invisible, il s’installait devant le piano, où ses idées les plus riantes prenaient, malgré lui, une teinte de sombre tristesse. Il en était épouvanté, et voulait fuir la contagion qui semblait s’être attachée à cette morne demeure, et même à cet instrument qui lui semblait tout à coup humide de larmes ou brûlant de fièvre. Mais, tout à coup aussi, la désolée passait à portée de sa vue, et il subissait l’influence ma-