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l’eussent compromise dans un pays moins désert, dans une demeure moins isolée, et sous les yeux d’une personne moins dévouée que Toinette.

Tant que d’Argères crut à l’impossibilité de devenir amoureux d’un fantôme, il se laissa aller à l’espèce d’attrait curieux qu’il éprouvait à l’observer.

Le piano était aussi pour quelque chose dans l’instinct qui l’entraînait vers le Temple, et qui l’y retenait une partie de la journée. Il avait l’âme pleine de pensées musicales qui recommençaient à le tourmenter et dont il demandait à sa propre audition la sanction définitive. La désolée l’écoutait de loin, voulant lui laisser toute liberté et ne pas gêner les hésitations de sa fantaisie par une attente indiscrète. La délicate réserve qu’elle y apporta fît croire parfois à l’artiste que sa jouissance musicale était épuisée, et qu’elle devenait insensible à cette distraction comme à toutes les autres. Il demanda à Toinette s’il ne devenait pas plus ennuyeux qu’agréable. Celle-ci lui répondit qu’il ne devait rien craindre : ou madame de Monteluz l’écoutait avec plaisir, ou elle ne l’entendait pas du tout, car elle avait la faculté de s’abstraire complètement,

Laure avait pris l’habitude de passer presque toute la journée en plein air. La maison ne lui offrant aucune ressource de bien-être et l’attristant sensiblement, elle cherchait le soleil, la vue des arbres, et marchait lente-