existences fébriles, à l’énorme dépense de forces qu’elles absorbent, à l’étiolement prématuré des facultés qui nous ont été données pour un bonheur plus calme et des émotions mieux ménagées. Je songe à ceux que nous avons vus briller et disparaître, blasés, malades ou tristes, lassés ou éteints, au milieu de leur poursuite, et jusqu’après avoir atteint leur but apparent, la richesse ! Je reviens à mon triste dire : la soif assouvie, l’artiste, l’homme, peut-être, sont anéantis !
Je ne t’accorde pas encore que ce soit un mal consommé. Je suis loin de le penser, et, puisque tu jettes ce cri d’effroi : « Je ne me sens déjà plus artiste ! » c’est que tu sens qu’il est encore temps de l’arrêter. Permets-moi de croire que je t’y déciderai, et que j’aurai, à mon retour à Paris, quelque influence sur toi : non pour te ramener, au grand désespoir des tiens, dans le grenier où nous avons peut-être trop souffert, mais pour te rendre au repos, aux plaisirs intellectuels, à la vérité, à l’amour, que tu commences à nier ! L’amour ! arrête-toi devant ce blasphème ! Tu parles à un amoureux qui poursuit son idéal dans les yeux d’une femme, comme tu poursuis le tien sur la roue de la fortune. Cette déesse-là est aveugle comme Cupidon, et, en somme, nous marchons tous deux dans les ténèbres ; mais je crois mon but plus réel que le tien, et les sentiers qui m’y conduisent sont bordés des fleurs de la poésie.