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de ta famille, réduit à souffrir des privations que tu n’avais pas connues, tu as eu plus de talent que de bonheur et tu t’es découragé, peut-être au moment de vaincre !

Réconcilié avec ton père à la condition que tu abandonnerais cette carrière improductive pour le suivre dans la sienne, tu t’es jeté, d’abord avec dégoût, et puis bientôt avec ardeur, dans les jeux de la fortune. Tu as connu là de nouvelles émotions, plus vives, plus absorbantes que les autres. Et maintenant, tu avoues que les jouissances que la fortune achète ne sont rien et s’épuisent en un instant. Tu dis que la jouissance est précisément dans le travail, l’agitation, les transports qu’exigent et procurent les chances de gain et de perte. Je te comprends, joueur que tu es ! Impressionnable et avide d’excitations, artiste en un mot, tu fais, de la spéculation, une espèce de passion que tu pourrais appeler l’art pour l’art.

Te dirai-je que je souffre de te voir lancé dans cette arène brûlante ? J’aurais mauvaise grâce, quand c’est par toi que moi-même… Mais ce n’est pas de moi qu’il s’agit. Je ne songe qu’au péril de ta situation. Je ne m’occupe pas des chances de désastre : tu les supporterais vaillamment dès que les catastrophes seraient un fait accompli, puisque jamais ton honneur ne sera mis en jeu. Mais je songe, cher ami, à la rapidité de ces