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et sans crainte de te rendre jaloux de mon bonheur. Si je t’ennuie, pardonne-le-moi en songeant que je suis seul dans une grande maison silencieuse ; que la soirée est longue, et que tu es la seule victime que j’aie à immoler à mon oisiveté. D’ailleurs, mon récit va s’augmenter d’une journée de plus, ce qui donne plus de consistance au souvenir que je veux conserver de cette rencontre singulière, et le moyen de le conserver, c’est de l’écrire, dussé-je, après l’avoir fini, le garder pour moi seul.

Je me suis laissé, dans mon précédent chapitre, à table avec mademoiselle Muiron. Bien que ses confidences eussent pour moi quelque intérêt, je me trouvai insensiblement sur la causeuse plus disposé à dormir qu’à l’écouter. Elle m’avait charitablement invité à fumer mon cigare, assurant que sa maîtresse ne s’en apercevrait pas. Mes yeux se fermèrent, et je m’endormis au léger bruit des assiettes et des tasses qu’elle emportait avec précaution.

Quand je m’éveillai, il était au moins midi. La chaleur était accablante ; les cousins faisaient invasion dans mon pavillon, et, sauf leur bourdonnement et les bruits lointains des travaux champêtres, un profond silence régnait autour de moi. Je sortis, un peu honteux de mon somme ; mais je me trouvai complètement seul dans le jardin. Je pénétrai dans la cour, pensant bien que madame de Monteluz m’avait assez oublié pour qu’il ne fût