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n’étaient peut-être pas très-énergiques. Je confesse que l’attrait de l’aventure me gagnait et qu’en me scandalisant un peu, l’officieux mensonge de l’extravagante Toinette ne me contrariait pas beaucoup.

Je regardais cette femme qui ressemblait à une somnambule et qui, après l’effort d’une réception si gracieuse, était déjà à cent lieues de moi et répétait : Chez ma mère, comme si elle se parlait à elle-même.

Il me fallut, pour deviner comment cette liaison d’idées, ma tante, ma mère, la replongeait dans son mal, me rappeler qu’elle avait épousé le fils de sa tante. Je vis qu’elle n’était point en tête-à-tête avec moi, mais avec le spectre de son cher Octave, assis entre nous deux, et cette découverte me mit tout à coup à l’aise en détruisant tout germe de fatuité en moi-même.

Après une pause assez longue, elle me regarda d’un air étonné, comme une personne qui se réveille, et me demanda si je demeurais loin.

— Mon Dieu, non, madame, répondis-je ; je suis fixé pour quelques jours seulement à Mauzères.

— Oui, c’est à deux ou trois lieues d’ici, n’est-ce pas ? dit-elle parlant par complaisance et sans savoir de quoi, car elle ne peut ignorer que Mauzères soit à dix minutes de chemin de sa maison.

— C’est beaucoup plus près que cela, répondis-je en souriant.