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— Impossible, non, si je sais qui vous êtes, dit Toinette triomphant d’avoir mis enfin l’inconnu au pied du mur.

— Mademoiselle Muiron, répondit d’Argères avec un accent énergique sans emphase, je suis un honnête homme, voilà ce que je suis.

Le côté sentimental et irréfléchi du caractère de Toinette céda un instant. Elle regarda la belle et sympathique physionomie de d’Argères avec un intérêt irrésistible ; mais ses instincts cauteleux et ses niaises habitudes reprirent le dessus.

— Oui, vous êtes un charmant garçon, reprit-elle ; mais le sort ne vous a peut-être pas placé dans une position à pouvoir prétendre…

— Prétendre à quoi ? s’écria d’Argères, révolté des idées que semblait provoquer en lui cette sorte de duègne.

Mais la duègne était perverse avec innocence ; encore perverse n’est-il pas le mot ; elle n’était que dangereuse, et d’autant plus dangereuse qu’au fond elle était de bonne foi.

— Je n’irai pas par quatre chemins, dit-elle : prétendre à la voir, c’est prétendre à l’aimer ; car, si vous avez le cœur libre, je vous défie bien…

— Vous croyez les cœurs bien inflammables doña Muiron ! dit en riant d’Argères.