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Valérie retint les deux administrateurs à dîner. Adriani voulait s’enfuir.

— Restez, lui dit-elle. Demain, tout Paris saura que Descombes est mort, et qu’il est mort chez moi. Dès que son pauvre corps sera enlevé, j’avouerai la vérité. Jusque-là, je crains qu’on ne vienne me tourmenter. J’ai eu soin de recevoir comme de coutume. Sa chambre était assez isolée pour qu’on ne se doutât de rien ; mais, aujourd’hui, voyez-vous, la force me manque, j’ai froid, j’ai peur ; je crains de me trahir ; je sortirai après dîner, je ne rentrerai que demain. Laisser un mort tout seul pourtant ! Je suis bien sûre que mes gens n’oseront pas rester. S’il est seul, il faudra bien que je reste ! Mais j’en deviendrai folle… Ayez pitié de moi !

Adriani resta, et, quand il fut seul avec le corps de son malheureux ami, il souffrit moins que pendant cet affreux dîner où il ne fut même pas question d’art, mais d’affaires, de projets et de nouvelles du monde. Il se jeta sur un divan et dormit pendant quelques heures. Il s’éveilla au milieu de la nuit. L’appartement était complètement désert et fermé. Des bougies brûlaient dans la chambre mortuaire, dont les portes restaient ouvertes sur une petite galerie sombre remplie de fleurs. Aucune cérémonie religieuse ne devait avoir lieu pour le suicidé. Il avait formellement défendu qu’on présentât sa dépouille à l’église, sachant qu’en pareil cas on nie le