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presque méprisé les tendres prévenances. Adriani donnait à Laure le genre de soins qu’elle avait offerts en vain à Octave. Il aimait donc comme elle comprenait qu’on dût aimer.

Laure eut comme un attendrissement enjoué pendant le souper. Elle avait l’esprit libre, aussi présent que si elle n’eût jamais senti les atteintes d’une paralysie morale. Elle ne ressentait aucune fatigue de son voyage. Cependant elle était réellement fatiguée, et, pendant le dessert, la joue appuyée sur sa main, l’œil appesanti sous ses longues paupières, la bouche rosée et souriante, elle s’assoupit au son de la voix d’Adriani, qui causait gaiement avec Toinette.

— Ah ! mon cher enfant, dit la pauvre Muiron en baissant la voix, que de folies vous nous faites faire ! Mais aussi que de miracles vous savez faire ! Si la marquise nous voyait là, tous trois, je crois que ses grands yeux d’émail nous changeraient en statues ; mais, après tout, quoi qu’elle dise et quoi qu’il arrive, j’ai tant de joie de voir ma Laure guérie, que je danserais si je n’avais peur de la réveiller. Car elle dort, monsieur ! Et voilà une chose qui ne lui est pas arrivée depuis son malheur, de s’assoupir avant trois ou quatre heures du matin ! Si elle dort toute une nuit, je dirai que vous êtes un magicien. Et voyez donc comme elle est belle, comme elle a l’air heureux ! Elle a sa figure d’enfant.