Page:Sand - Adriani.djvu/222

Cette page n’a pas encore été corrigée

dame ; il m’a dit de ne mettre que deux couverts et il est parti ; mais voilà ce qu’il m’a donné pour madame.

C’était un billet.

« Laure, lui disait-il, quand vous daignerez me recevoir, envoyez Mariotte par le sentier des vignes. »

— Tout de suite, dit Laure à Mariotte, courez ! — Et chère Toinette, mets un troisième couvert.

Mariotte n’alla pas loin, Adriani attendait à l’entrée de la première vigne. Il n’exigeait pas, dans sa pensée, d’être appelé si vite ; mais, du revers du coteau, il écoutait le doux bruit de l’arrivée de sa maîtresse, et il contemplait avec délices la petite lueur que l’éclairage de la maison faisait monter derrière les pampres noirs au sommet du ravin. Il se rappelait que, si, le lendemain de son arrivée à Mauzères, il n’eût remarqué cette lueur et demandé à un garde-chasse si c’était le lever de la lune, il n’eût peut-être jamais connu Laure. C’était la réponse de cet homme qui lui avait fait ralentir le pas et entendre la voix pénétrante de la désolée.

Combien de fois, depuis, Adriani, en prenant ou évitant le sentier, avait interrogé ce point rapproché de l’horizon, pour savoir si l’on dormait ou si l’on veillait au Temple ? Bien peu de fois en réalité, puisque si peu de jours séparaient l’envahissement de cet amour de sa première éclosion ; mais ces jours d’enivrement sont si pleins, qu’ils semblent résumer des siècles.