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comme je l’ai été, et ne vivant d’ailleurs que pour Octave, je me suis jamais demandé ce que c’était qu’une mésalliance ? Jamais je n’ai si bien compris l’injustice et l’erreur des opinions que vous défendez, que depuis une heure que je vous écoute. Je ne les eusse peut-être jamais réprouvées si mon cœur, qui s’éveille et s’agite, ne me faisait entendre des vérités plus persuasives, plus chrétiennes et plus humaines que les vôtres. Vous me croyez impie ! Non, ma mère, je ne suis pas impie. Je crois autant que vous à la loi de l’Évangile, mais je la comprends autrement. J’y vois une doctrine pleine de tendresse, de dévouement et d’humilité, qui m’ordonne d’aimer autrement qu’en vue des vanités et des ambitions de ce monde.

Laure s’arrêta, épuisée, et chercha dans les yeux de sa belle-mère l’émotion qui remplissait son âme et sa voix. Elle n’y trouva qu’une incrédulité profonde, une sorte de raillerie muette qui était l’athéisme du fanatisme. Qu’on nous passe cette antithèse, paradoxale en apparence. Le fanatique n’aime Dieu qu’en Dieu et en dehors de l’humanité. Il oublie ou il ignore que nous sommes tous formés de son essence, animés de sa vie, et que, compter pour rien nos malheurs et nos droits, c’est remettre le Christ en croix dans la personne de l’humanité.

La marquise ne répondit à aucun des reproches de sa belle-fille. Elle n’en tint aucun compte. Elle les accepta