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poir de veuve, si réel et si profond, que, par moments, il avait engourdi et menacé de détruire chez Laure la raison ou la vie, ne prenait pas sa source dans un regret des jours de son mariage. Ce qu’elle croyait regretter, c’était bien le beau et bon jeune homme à qui elle s’était dévouée ; mais ce qu’elle regrettait effectivement, c’était le temps de ses propres aspirations, de ses propres illusions. En perdant cet époux, elle avait vu disparaître le but de quinze années d’existence ; car, dès la première enfance, elle s’était consacrée à lui ; elle avait été séparée de lui ensuite pendant huit années (de douze à vingt ans) ; c’était donc toute une vie qu’elle avait vécu pour rien, et le coup qui l’accablait, au début d’une vie nouvelle, lui fit croire qu’elle ne s’en relèverait jamais. Elle se crut morte avec Octave ; elle désira mourir pour le rejoindre ; elle regretta de ne pas succomber à son épouvante devant l’avenir.

L’espérance est une loi de la vie, surtout dans la jeunesse. La perdre, c’est un état violent qui ne peut se prolonger sans amener la destruction de l’être ainsi privé du souffle régénérateur. C’était toute la maladie de Laure, mais elle était grave.

La nature luttait pourtant, et l’amour inassouvi, l’amour latent, sans but connu, sans désir formulé, couvait sous la cendre. Laure en était arrivée au point de redouter sa propre douleur, et de désirer s’y soustraire ;