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les cris étouffés de sa femme retenaient au bord des abîmes, se sentit soulagé d’un grand poids quand il put s’abandonner de nouveau à sa force, à son adresse et à sa témérité peu communes. Laure ne songea pas seulement à lui adresser un reproche : pourvu qu’il fût heureux, elle ne s’inquiétait pas d’elle-même ; mais elle sentit involontairement l’ennui et la tristesse de l’abandon. Elle combattit cette langueur. Elle cultiva ses talents, elle s’adonna aux soins de l’intérieur, elle s’initia même à ses affaires, qu’Octave n’eût jamais su gouverner. Elle remplit ses journées d’une activité qui eût préservé de la réflexion une tête plus vive, mais qui ne put remplir le vide de son cœur. Il lui eût fallu la présence assidue de l’être aimé. Elle avait passé avec courage loin de lui les années de l’adolescence, aspirant avec une foi naïve à l’avenir qui la réunirait à lui sans distraction, sans partage, sans défaillance de bonheur. Elle avait quitté Paris et le monde avec joie, à l’idée de s’absorber dans le calme des félicités infinies, et elle se trouvait vivre en tête-à-tête avec une belle-mère qui l’estimait sans la comprendre et qui l’honorait sans l’aimer. Madame de Monteluz, la mère, était un de ces êtres froids, convenables, honnêtes, qui, par esprit de justice, ne veulent pas troubler violemment le bonheur des autres, mais qui, par insensibilité de caractère, ne peuvent ni l’augmenter ni en adoucir la perte.