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la France que dans le monde des grandes villes d’Italie. Je dissipai mes ressources dans une vie facile, enthousiaste, folle même, au dire de mon conseil de famille, et dans laquelle je ne trouve pourtant rien qui me fasse rougir. Ruiné, je ne voulus pas vivre de hasards et d’industrie comme tant d’autres ; je ne voulus point m’endetter ; je résolus de tirer parti de mon talent. Mes grands-parents jetèrent les hauts cris et m’offrirent de se cotiser pour me faire une pension. Je refusai : cela me parut un outrage ; mais, pour ne pas blesser en face leurs préjugés, je vins en France ; je me mis en relation avec des artistes ; je chantai dans plusieurs réunions ; j’y fus goûté, encouragé, et je cherchai à me procurer des élèves ; mais cette ressource arrivait lentement, et le métier de professeur m’était antipathique. Démontrer le beau, expliquer le vrai dans les arts, c’est possible dans un cours, à force de talent et d’éloquence ; mais dépenser toute ma puissance pour des élèves, la plupart inintelligents ou frivoles, je ne pus m’y résigner. Mon temps se laissait absorber, d’ailleurs, par des leçons à quelques jeunes gens bien doués et pauvres, qui me dédommageaient intellectuellement de mes fatigues, mais qui ne pouvaient conjurer ma misère.

» La misère, je ne la crains pas extraordinairement ; je ne la sens même pas beaucoup quand elle ne se convertit pas en solitude. La solitude me menaçait. Je mis