en moi-même quand je m’aperçois que j’oublie mon mal auprès des autres malheureux.
— Si vous connaissez encore la pitié, vous êtes encore capable d’aimer, car la pitié est un amour.
— Un amour général qui ne s’attache pas à un seul être au détriment de tous les autres Voilà celui que j’accepte, et que je peux payer par la reconnaissance.
— Cela est très-logique, dit d’Argères en souriant pour cacher l’effroi que lui causait la fermeté de son accent ; et, pour une personne idiote ou folle, c’est assez puissant de raisonnement. Puisque vous êtes si lucide, résumons-nous. Vous ne voulez pas être aimée à l’état d’individu, mais secourue et consolée par des charités toutes chrétiennes, parce que vous ne valez pas la peine qu’on se consacre à vous en particulier. Pourtant, si Toinette s’absente une heure ou deux, vous êtes inquiète, vous vous affligez.
— Oui, je suis faible, mais je ne suis pas injuste ; je ne lui adresse, ni des lèvres ni du cœur, aucun reproche.
— Mais pourtant sa vie entière est absorbée dans la vôtre, et vous acceptez ce dévouement. Donc, vous pouvez faire exception à votre rigidité d’abnégation en faveur de quelqu’un, et vous sentez bien que ce quelqu’un vous aime.
— Ah ! monsieur, même de la part de Toinette, qui m’a élevée, qui s’est fait, de me soigner, une habitude