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çut ou ne s’aperçut pas qu’il mettait toute son âme. Il était vaincu par son propre entraînement ; il ne songeait plus à interroger le sphinx. Si la vie eût tressailli dans ce marbre, il ne l’eût pas senti, tant il était agité lui-même. Il se trouvait envahi par la passion, mais envahi tout entier, comme le sont les belles natures, qui n’ont pas besoin de dompter leur ivresse, parce que leur amour est tout un respect, tout un culte. Ceux-là seuls qui n’aiment pas complètement craignent de profaner leur idole par quelque audace. Ils sont impurs, puisqu’ils craignent de communiquer l’impureté.

D’Argères ne sentit rien de semblable au fond de sa pensée. Laure restait dans ses bras, immobile et chaste, mais elle le regardait avec un doux étonnement où n’entrait aucun effroi,

« Elle m’aimera, se dit d’Argères, si elle peut encore aimer ; car je l’aime, et, par là, je la mérite. Si elle m’aime, elle croira en moi, elle m’appartiendra.

Dès ce moment, il fut calme. Laure n’avait peut-être pas senti son étreinte, mais elle l’avait remarquée et ne l’avait pas repoussée. Elle était à lui, sinon par l’amour, au moins par l’amitié, puisqu’elle avait foi en lui. Étrangère aux alarmes d’une fausse pudeur, défendue de tout danger auprès d’un homme de bien par la vraie pudeur de l’âme, elle acceptait son intérêt et ses consolations sans les avoir provoqués volontairement. Un sentiment