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LA COMTESSE DE RUDOLSTADT.

savoir que ses affaires ne sont point gâtées, comme on veut vous le persuader ; qu’aucun de ses confidents ne l’a trahi ; que Saint-Germain est déjà en France, où il travaille à former une alliance entre notre conjuration et celle qui va replacer incessamment Charles-Édouard sur le trône d’Angleterre ; que Trismégiste seul a été arrêté, mais qu’il le fera évader, et qu’il est sûr de sa discrétion. Quant à vous, il vous conjure de ne point vous laisser intimider par les menaces du marquis, et surtout de ne point croire à ceux qui feindraient d’être dans vos intérêts, pour vous faire parler. Voilà pourquoi, tout à l’heure, je vous ai soumise à une petite épreuve, dont vous êtes sortie victorieuse ; et je dirai à notre héros, à notre brave prince, à notre roi futur, que vous êtes un des plus solides champions de sa cause ! »



En somme, Gottlieb avait été déclaré idiot… (Page 61.)

Consuelo, émerveillée de l’aplomb de M. de Pœlnitz, ne put réprimer un éclat de rire ; et quand le baron, piqué de son mépris, lui demanda le motif de cette gaieté déplacée, elle ne put lui rien répondre, sinon :

« Vous êtes admirable, sublime, monsieur le baron ! »

Et elle recommença à rire malgré elle. Elle eût ri sous le bâton, comme la Nicole de M. Jourdain.

« Quand cette attaque de nerfs sera finie, dit Pœlnitz sans se déconcerter, vous daignerez peut-être m’expliquer vos intentions. Voudriez-vous trahir le prince ? Croiriez-vous, en effet, que la princesse vous eût livrée à la colère du roi ? Vous regarderiez-vous comme dégagée de vos serments ? Prenez garde, Mademoiselle ! vous vous en repentiriez peut-être bientôt. La Silésie ne tardera pas à être livrée par nous à Marie-Thérèse, qui n’a point abandonné ses projets, et qui deviendra dès lors notre puissante alliée. La Russie, la France, donneraient certainement les mains au prince Henry ; madame de Pompadour n’a point oublié les dédains de Frédéric. Une puissance coalition, quelques années de lutte, peuvent facilement précipiter du trône ce fier souverain qui ne tient encore qu’à un fil… Avec l’amour du nouveau monarque, vous pourriez prétendre à une haute fortune. Le moins qu’il puisse arriver de tout cela, c’est que l’électeur de Saxe soit dépossédé de la royauté polonaise, et que le prince Henry aille régner à Varsovie… Ainsi…

— Ainsi, monsieur le baron, il existe, selon vous, une conspiration qui, pour satisfaire le prince Henry,