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PROCOPE LE GRAND.

tricts de Zatec et de Launi, celui de Gratz et plusieurs villes frontières avaient l’œil sur la Moravie et sur l’Autriche, pour fermer l’entrée à l’archiduc ou au capitaine de Moravie. Pendant que ces choses se passaient en Bohême, le cardinal Julien se donnait tous les mouvements imaginables pour animer le flegme des Allemands. » C’était une entreprise difficile, comme le fait très-bien pressentir notre naïf historien, dont le vieux style est agréable quand il n’est pas trop obscur. L’Allemagne embrassait froidement la querelle de Sigismond, et les terribles courses des hérétiques au cœur de ses plus riches provinces l’avaient frappée d’épouvante. C’était, parmi les troupes des divers États, à qui n’entrerait pas la première en Bohême. L’archiduc devait faire une diversion par la Moravie, pour forcer l’ennemi à dégarnir ses autres frontières ; mais Albert voulait que le cardinal vînt le joindre, et le cardinal n’y alla pas. Chacun voulait rester chez soi pour se défendre, trouvant que c’était bien assez d’embarras, comme dirait notre auteur, sans aller chercher le danger au foyer de l’enfer. D’ailleurs plusieurs princes de l’Empire étaient occupés à se faire la guerre, et laissaient le légat prêcher cette morale : « Au nom du Christ qui vous a enseigné la charité, ô mes frères ! armez-vous et unissez-vous ; car il y a du sang à verser en Bohême, et les hommes qui osent défendre leurs autels et leurs foyers attendent de votre mansuétude la mort et la damnation éternelles. »



Ils arrivèrent à Bâle au nombre de trois cents… (Page 13).

Cette doctrine est pleinement développée dans toutes les lettres du savant et disert cardinal Julien. Il écrit aux Bohémiens au moment d’entrer en campagne, non pour leur promettre de n’y point entrer s’ils se réconcilient, mais pour les exhorter tendrement à se laisser convertir et persuader par une armée de cent trente mille hommes : — « Revenez donc à l’Église, votre mère, et ne l’affligez pas plus longtemps. Elle gémit, elle fond en larmes, elle jette des cris perçants. Revenez à nous, chers cœurs, nous irons au-devant de vous ; nous nous jetterons à vos cous, nous vous donnerons des vêtements nouveaux, nous tuerons le veau gras, nous inviterons nos voisins et nos amis (les cent trente mille mercenaires) pour se réjouir avec nous du retour de nos enfants. Au fond, pourquoi feriez-vous difficulté de revenir à nous ? Ne sommes-nous pas nés d’une même mère ? N’avons-nous pas la même foi chrétienne, la même parole, les mêmes