tu n’as pas su lui rendre la vie : et maintenant, il ne nous reste que la honte de ton alliance. »
C’est la mort ! (Page 295.)
Cette muette déclaration de guerre hâta la résolution qu’elle avait déjà prise de consoler, autant que possible, la chanoinesse de ce dernier malheur.
« Puis-je implorer de Votre Seigneurie, lui dit-elle avec soumission, de me fixer l’heure d’un entretien particulier ? Je dois partir demain avant le jour, et je ne puis m’éloigner d’ici sans vous faire connaître mes respectueuses intentions.
— Vos intentions ! je les devine de reste, répondit la chanoinesse avec aigreur. Soyez tranquille, Mademoiselle ; tout sera en règle, et les droits que la loi vous donne seront scrupuleusement respectés.
— Je vois qu’au contraire vous ne me comprenez nullement, Madame, reprit Consuelo ; il me tarde donc beaucoup…
— Eh bien, puisqu’il faut que je boive encore ce calice, dit la chanoinesse en se levant, que ce soit donc tout de suite, pendant que je m’en sens encore le courage. Suivez-moi, Signora. Mon frère aîné paraît sommeiller en ce moment. M. Supperville, de qui j’ai obtenu encore une journée de soins pour lui, voudra bien me remplacer pour une demi-heure. »
Elle sonna, et fit demander le docteur ; puis, se tournant vers le baron :
« Mon frère, lui dit-elle, vos soins sont inutiles, puisque Christian n’a pas encore recouvré le sentiment de ses infortunes. Peut-être cela n’arrivera-t-il point, heureusement pour lui, malheureureusement pour nous ! Peut-être cet accablement est-il le commencement de la mort. Je n’ai plus que vous au monde, mon frère ; soignez votre santé, qui n’est que trop altérée par cette morne inaction où vous voilà tombé. Vous étiez habitué au grand air et à l’exercice : allez faire un tour de promenade, prenez un fusil : le veneur vous suivra avec ses chiens. Je sais bien que cela ne vous distraira pas de votre douleur ; mais, au moins, vous en ressentirez un bien physique, j’en suis certaine. Faites-le pour moi, Frédéric : c’est l’ordre du médecin, c’est la prière de votre sœur ; ne me refusez pas. C’est la plus grande consolation que vous puissiez me donner en ce moment, puisque la dernière espérance de ma triste vieillesse repose sur vous. »