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CONSUELO.

les plus désespérées. Toujours les premiers à l’attaque d’un front d’armée, à la tête d’un pont, à la brèche d’un fort, ils ont forcé nos plus grands généraux à l’admiration, et nos ennemis à la fuite. Les Français ont partout reculé devant eux, et le grand Frédéric a pâli, dit-on, comme un simple mortel, à leur cri de guerre. Il n’est point de fleuve rapide, de forêt inextricable, de marais vaseux, de roche escarpée, de grêle de balles et de torrents de flammes qu’ils n’aient franchis à toutes les heures de la nuit, et dans les plus rigoureuses saisons. Oui, certes, ils ont sauvé la couronne de Marie-Thérèse plus que la vieille tactique militaire de tous nos généraux et toutes les ruses de nos diplomates.



C’est Trenck le pandoure avec ses loups affamés. (Page 263.)

— En ce cas, leurs crimes seront impunis et leurs vols sanctifiés !

— Peut-être qu’ils seront trop punis, au contraire.

— On ne se défait pas de gens qui ont rendu de pareils services !

— Pardon, dit le chanoine malignement : quand on n’a plus besoin d’eux…

— Mais ne leur a-t-on pas permis tous les excès qu’ils ont commis sur les terres de l’Empire et sur celles des alliés ?

— Sans doute, on leur a tout permis, puisqu’ils étaient nécessaires !

— Et maintenant ?

— Et maintenant qu’ils ne le sont plus, on leur reproche tout ce qu’on leur avait permis.

— Et la grande âme de Marie-Thérèse ?

— Ils ont profané des églises !

— J’entends. Trenck est perdu, monsieur le chanoine.

— Chut ! cela se dit tout bas, reprit-il.

— As-tu vu les pandoures ? s’écria Joseph en entrant tout essoufflé.

— Avec peu de plaisir, répondit Consuelo.

— Eh bien, ne les as-tu pas reconnus ?

— C’est la première fois que je les vois.

— Non pas, Consuelo, ce n’est pas la première fois que ces figures-là frappent tes regards. Nous en avons rencontré dans le Bœhmer-Wald.

— Grâce à Dieu, aucun à ma souvenance.

— Tu as donc oublié un chalet où nous avons passé la nuit sur la fougère, et où nous nous sommes aperçus tout d’un coup que dix ou douze hommes dormaient là autour de nous ? »