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CONSUELO.

lui enseigner le bien, et de le lui rendre aimable et facile. Avec vous, il en serait tout autrement. Veuillez donc, dès aujourd’hui, ne plus considérer cet enfant comme le vôtre. Vous l’avez abandonné, vous l’avez cédé, donné ; il ne vous appartient plus. Vous avez remis une somme d’argent pour nous payer son éducation… »



Puis il montra du doigt la porte à Corilla… (Page 257.)

Il fit un signe à la jardinière qui, prévenue par lui depuis quelques instants, avait tiré de l’armoire un sac lié et cacheté ; celui que Corilla avait envoyé au chanoine avec sa fille, et qui n’avait pas été ouvert. Il le prit et le jeta aux pieds de la Corilla, en ajoutant :

« Nous n’en avons que faire et nous n’en voulons pas. Maintenant, je vous prie de sortir de chez moi et de n’y jamais remettre les pieds, sous quel prétexte que ce soit. À ces conditions, et à celle que vous ne vous permettrez jamais d’ouvrir la bouche sur les circonstances qui nous ont forcé d’être en rapport avec vous, nous vous promettons le silence le plus absolu sur tout ce qui vous concerne. Mais si vous agissez autrement, je vous avertis que j’ai plus de moyens que vous ne pensez de faire entendre la vérité à Sa Majesté Impériale, et que vous pourriez bien voir changer vos couronnes de théâtre et les trépignements de vos admirateurs en un séjour de quelques années dans un couvent de filles repenties. »

Ayant ainsi parlé, le chanoine se leva, fit signe à la nourrice de prendre l’enfant dans ses bras, et à Consuelo de se retirer, avec Joseph, au fond de l’appartement ; puis il montra du doigt la porte à Corilla qui, terrifiée, pâle et tremblante, sortit convulsivement et comme égarée, sans savoir où elle était, et sans comprendre ce qui se passait autour d’elle.

Le chanoine avait eu, durant cette sorte d’imprécation, une indignation d’honnête homme qui, peu à peu, l’avait rendu étrangement puissant. Consuelo et Joseph ne l’avaient jamais vu ainsi. L’habitude d’autorité qui ne s’efface jamais chez le prêtre, et aussi l’attitude du commandement royal qui passe un peu dans le sang, et qui trahissait en cet instant le bâtard d’Auguste ii, revêtaient le chanoine, peut-être à son insu, d’une sorte de majesté irrésistible. La Corilla, à qui jamais aucun homme n’avait parlé ainsi dans le calme austère de la vérité, ressentit plus d’effroi et de terreur que jamais ses amants furieux ne lui en avaient inspiré dans les outrages de la vengeance et du mépris. Italienne et superstitieuse, elle