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CONSUELO.

manquait à Consuelo, elle avait aussi cette nonchalance et ce décousu d’habitudes qui tiennent au désordre, à la paresse, et, quoique ceci ne paraisse pas venir à propos, à la malpropreté. Toutes ces pauvretés s’enchaînent dans la vie des organisations grossières. La mollesse du corps et de l’âme rendent impuissants les effets de l’intrigue, et Corilla, qui avait l’instinct de toutes les perfidies, avait rarement l’énergie de les mener à bien. Elle avait donc remis d’un jour à l’autre sa visite au chanoine, et quand elle le trouva si froid et si sévère, elle commença à se déconcerter visiblement.



Consuelo… traça le nom de Bertoni… (Page 253.)

Alors, cherchant par un trait d’audace à se remettre en scène, elle dit à Consuelo, qui tenait toujours Angèle dans ses bras :

« Eh bien, toi, pourquoi ne me laisses-tu embrasser ma fille, et la déposer aux pieds de monsieur le chanoine, pour…

Dame Corilla, dit le chanoine du même ton sec et froidement railleur dont il disait autrefois dame Brigide, faites-moi le plaisir de laisser cet enfant tranquille. »

Et, s’exprimant en italien avec beaucoup d’élégance, quoique avec une lenteur un peu trop accentuée, il continua ainsi sans ôter son bonnet de dessus ses oreilles :

« Depuis un quart d’heure que je vous écoute ; et bien que je ne sois pas très-familiarisé avec votre patois, j’en ai assez entendu pour être autorisé à vous dire que vous êtes bien la plus effrontée coquine que j’ai rencontrée dans ma vie. Cependant, je crois que vous êtes plus stupide que méchante, et plus lâche que dangereuse. Vous ne comprenez rien aux belles choses, et ce serait temps perdu que d’essayer de vous les faire comprendre. Je n’ai qu’une chose à vous dire : cette jeune fille, cette vierge, cette sainte, comme vous l’avez nommée tout à l’heure en croyant railler, vous la souillez en lui parlant : ne lui parlez donc plus. Quant à cet enfant qui est né de vous, vous le flétririez en le touchant : ne le touchez donc pas. C’est un être sacré qu’un enfant ; Consuelo l’a dit, et je l’ai compris. C’est par l’intercession, par la persuasion de cette même Consuelo que j’ai osé me charger de votre fille, sans craindre que les instincts pervers qu’elle peut tenir de vous vinssent à m’en faire repentir un jour. Nous nous sommes dit que la bonté divine donne à toute créature le pouvoir de connaître et de pratiquer le bien, et nous nous sommes promis de