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CONSUELO.

tour de son cousin ; mais elle trouva fort injuste que, pour célébrer pieusement cet heureux événement, on la fit lever à cinq heures du matin pour avaler une messe durant laquelle il lui fallut étouffer bien des bâillements.



Le vieux cheval que montait le vieux serviteur, s’effraya, trébucha…
(Page 115.)

« Pourquoi votre amie, la bonne Porporina, ne s’est-elle pas unie à nous pour remercier la Providence ? dit le comte Christian à sa nièce lorsque la messe fut finie.

— J’ai essayé de la réveiller, répondit Amélie. Je l’ai appelée, secouée, et avertie de toutes les façons ; mais je n’ai jamais pu lui rien faire comprendre, ni la décider à ouvrir les yeux. Si elle n’était brûlante et rouge comme le feu, je l’aurais crue morte. Il faut qu’elle ait bien mal dormi cette nuit et qu’elle ait la fièvre.

— Elle est malade, en ce cas, cette digne personne ! reprit le vieux comte. Ma chère sœur Wenceslawa, vous devriez aller la voir et lui porter les soins que son état réclame. À Dieu ne plaise qu’un si beau jour soit attristé par la souffrance de cette noble fille !

— J’irai, mon frère, répondit la chanoinesse, qui ne disait plus un mot et ne faisait plus un pas à propos de Consuelo sans consulter les regards du chapelain. Mais ne vous tourmentez pas, Christian ; ce ne sera rien ! La signora Nina est très-nerveuse. Elle sera bientôt guérie.

— N’est-ce pas pourtant une chose bien singulière, dit-elle au chapelain un instant après, lorsqu’elle put le prendre à part, que cette fille ait prédit le retour d’Albert avec tant d’assurance et de vérité ! Monsieur le chapelain, nous nous sommes peut-être trompés sur son compte. C’est peut-être une espèce de sainte qui a des révélations ?

— Une sainte serait venue entendre la messe, au lieu d’avoir la fièvre dans un pareil moment, objecta le chapelain d’un air profond. »

Cette remarque judicieuse arracha un soupir à la chanoinesse. Elle alla néanmoins voir Consuelo, et lui trouva une fièvre brûlante, accompagnée d’une somnolence invincible. Le chapelain fut appelé, et déclara qu’elle serait fort malade si cette fièvre continuait. Il interrogea la jeune baronne pour savoir si sa voisine de chambre n’avait pas eu une nuit très-agitée.

« Tout au contraire, répondit Amélie, je ne l’ai pas entendue remuer. Je m’attendais, d’après ses prédictions et les beaux contes qu’elle nous faisait depuis quelques jours, à entendre le sabbat danser dans son appartement.