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JEAN ZISKA.

chez tous les peuples, dans toutes les classes, et sous l’inspiration de toutes les idées religieuses. On brisa les images et les statues des saints ; on leur coupa le nez et les oreilles, et on les jeta dans les rues et sur les chemins pour qu’elles fussent foulées aux pieds par les passants. On voit là plus de fanatisme que d’avarice ; car bien des choses d’un grand prix furent perdues, entre autres des objets d’art et des manuscrits plus regrettables que les lingots d’or et d’argent des monastères. Ziska s’emparait de ces dernières dépouilles et les faisait porter à Tabor, où elles étaient scrupuleusement consacrées à l’édification de la ville et des fortifications, ainsi qu’à l’entretien des troupes et de leurs familles. Il ne se réservait que quelques jambons et viandes fumées, qu’il appelait ses toiles d’araignées parce qu’on les balayait aux murailles des réfectoires. Malheureusement, la vengeance ne se bornait pas là. Les moines et les religieuses étaient traités comme les statues de leurs saints, et livrés à toutes les tortures, à toutes les ignominies. Nous passerons rapidement sur ces détails, qui font frissonner. En l’année 1419, les Taborites détruisirent, seulement à Prague, quatorze de ces communautés. Ils n’épargnèrent que celle des Bénédictins esclavons, qui se déclara pour la doctrine de Jean Huss, et dont l’abbé alla au-devant d’eux leur offrir la communion sous les deux espèces. Ils la reçurent chargés et entourés de leurs arcs, hallebardes, massues, scorpions et cataptultes. Ces Bénédictins étaient de ceux qui avaient obtenu, sous Charles iv, le privilège de dire les offices en langue slave, ce qui était un acheminement vers le schisme ; et, comme la fondation de leur maison était contemporaine de celle de l’Université de Prague, on peut croire qu’ils avaient toujours penché vers ces mêmes idées d’indépendance et de réforme. Ils n’avaient certainement pas trempé dans les accusations que le clergé de Bohême porta contre Jean Huss et Jérôme au concile de Constance ; car on ne fit grâce à aucun de ceux-là, et jamais supplice ne fut vengé avec autant d’éclat que celui de ces deux hommes illustres.



Des villages, des villes mêmes… (page 19.)

V.

Les seigneurs de Rosemberg avaient embrassé le hussitisme avec ferveur, et l’un d’eux s’était montré ardent