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JEANNE.

que Madame s’amuse de ça et que ça ne peut la fâcher.



C’était une très agréable paysanne. (Page 41.)

— Je vous demande bien pardon, ma marraine, dit Jeanne en avançant, avec timidité… Je ne me serais jamais permis ça de moi-même… c’est mam’selle Marie qui a voulu absolument nous attifer.

— Comment, c’est Jeanne ? dit madame de Boussac ; je savais bien que ce ne pouvait être qu’elle, et pourtant je ne pouvais pas la reconnaître. Ah ! mais, c’est qu’elle est fort bien !

— C’est là Jeanne ? pas possible ! s’écria madame de Charmois. Qui donc l’a si bien habillée ?… c’est incroyable comme elle est bien !

— J’y ai mis tous mes soins, répondit mademoiselle de Boussac. J’espère que j’ai réussi.

— Ah ! oui, vous y avez mis du temps, Mam’selle ! dit Jeanne qui s’était patiemment prêtée à cette mascarade. Enfin ça vous a amusée et ça me fait plaisir de vous faire rire un peu. À présent que la farce est jouée, je m’en vas ôter vos beaux habillements, pas vrai ?

— Non, non, pas encore, Jeanne ! oh ! ma chère Jeanne, je t’en prie, reste un peu comme cela. Tenez, maman, regardez-moi cette figure-là ! je parie que vous voudriez me l’avoir donnée au lieu de celle que je porte ?

— Ah ! Mam’selle, vous dites ça pour rire, répondit de la meilleure foi du monde, Jeanne, qui trouvait sa chère jeune maîtresse plus belle que tout au monde.

— Est-ce que c’est une robe à vous, Elvire ? dit madame de Charmois à sa fille, en examinant Jeanne avec son lorgnon.

— Oui, maman, les robes de Marie vont à Claudie, et les miennes à Jeanne, qui est de ma taille.

— Ça me serre diantrement, dit Claudie qui se regardait au miroir, éblouie d’elle-même. Mais, c’est égal, j’voudrais être fagotée comme ça tant seulement tous les dimanches.

Claudie avait grand tort. C’était une très-agréable paysanne et une très-déplaisante demoiselle. Sa coiffe blanche allait fort bien à son visage rondelet, et son jupon court à sa jolie jambe ; mais la robe longue et drapée des femmes de loisir lui enlevait tous ses avantages, et ses cheveux crépus et bas plantés, qui lui donnaient l’air mutin et courageux, obéissaient mal à la coiffure lisse et moelleuse que les dames de cette époque avaient empruntée aux belles Anglaises. Ses manières de franche