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LA PETITE FADETTE.

lorsqu’elle le rencontrait ; se moquant de sa bessonnerie, et lui tourmentant le cœur en lui disant que Landry ne l’aimait point et se moquait de sa peine. Aussi le pauvre Sylvinet qui, encore plus que Landry, la croyait sorcière, s’étonnait-il qu’elle devinât ses pensées et la détestait bien cordialement. Il avait du mépris pour elle et pour sa famille, et, comme elle évitait Landry, il évitait ce méchant grelet, qui, disait-il, suivrait tôt ou tard l’exemple de sa mère, laquelle avait mené une mauvaise conduite, quitté son mari et finalement suivi les soldats. Elle était partie comme vivandière peu de temps après la naissance du sauteriot, et, depuis, on n’en avait jamais entendu parler. Le mari était mort de chagrin et de honte, et c’est comme cela que la vieille mère Fadet avait été obligée de se charger des deux enfants, qu’elle soignait fort mal, tant à cause de sa chicherie que de son âge avancé, qui ne lui permettait guère de les surveiller et de les tenir proprement.



Et il fut rassuré en sentant que la Fadette le conduisait si bien.
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Pour toutes ces raisons, Landry, qui n’était pourtant pas aussi fier que Sylvinet, se sentait du dégoût pour la petite Fadette, et, regrettant d’avoir eu des rapports avec elle, il se gardait bien de le faire connaître à personne. Il le cacha même à son besson, ne voulant pas lui confesser l’inquiétude qu’il avait eue à son sujet ; et, de son côté, Sylvinet lui cacha toutes les méchancetés de la petite Fadette envers lui, ayant honte de dire qu’elle avait eu divination de sa jalousie.

Mais le temps se passait. À l’âge qu’avaient nos bessons, les semaines sont comme des mois et les mois comme des ans, pour le changement qu’ils amènent dans le corps et dans l’esprit. Bientôt Landry oublia son aventure, et, après s’être un peu tourmenté du souvenir de la Fadette, n’y pensa non plus que s’il en eût fait le rêve.

Il y avait déjà environ dix mois que Landry était entré à la Priche, et on approchait de la Saint-Jean, qui était l’époque de son engagement avec le père Caillaud. Ce brave homme était si content de lui qu’il était bien décidé à lui augmenter son gage plutôt que de le voir partir ; et Landry ne demandait pas mieux que de rester dans le voisinage de sa famille et de renouveler avec les gens de la Priche, qui lui convenaient beaucoup. Mêmement, il se sentait venir une petite amitié pour une nièce du père Caillaud qui s’appelait Madelon et qui était un beau brin de fille. Elle avait un an de plus que lui et le traitait en-