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FRANÇOIS LE CHAMPI.



L’enfant se jeta au cou de Madeleine. (Page 12.)

Le trot, en descendant, coupait le respire à la grosse Sévère et l’empêchait de causer, ce dont elle fut contrariée, car elle comptait enjôler le jeune homme avec ses paroles. Mais elle ne voulut pas faire voir qu’elle n’était plus assez jeune ni assez mignonne pour endurer la fatigue, et elle ne dit mot pendant un bout de chemin.

Quand ça fut dans le bois de châtaigniers, elle s’avisa de dire :

— Attends, François, il faut t’arrêter, mon ami François : la jument vient de perdre un fer.

— Quand même elle serait déferrée, dit François, je n’ai là ni clous ni marteau pour la rechausser.

— Mais il ne faut pas perdre le fer. Ça coûte ! Descends, je te dis, et cherche-le.

— Pardine, je le chercherais bien deux heures sans le trouver, dans ces fougères ! Et mes yeux ne sont pas des lanternes.

— Si fait, François, dit la Sévère d’un ton moitié sornette, moitié amitié ; tes yeux brillent comme des vers luisants.

— C’est donc que vous les voyez derrière mon chapeau ? répondit François pas du tout content de ce qu’il prenait pour des moqueries.

— Je ne les vois pas à cette heure, dit la Sévère avec un soupir aussi gros qu’elle ; mais je les ai vus d’autres fois !

— Ils ne vous ont jamais rien dit, reprit l’innocent champi. Vous pourriez bien les laisser tranquilles, car ils ne vous ont pas fait d’insolence, et ne vous en feront mie.

— Je crois, dit en cet endroit la servante du curé, que vous pourriez passer un bout de l’histoire. Ce n’est pas bien intéressant de savoir toutes les mauvaises raisons que chercha cette mauvaise femme pour surprendre la religion de notre champi.

— Soyez tranquille, mère Monique, répondit le chanvreur, j’en passerai tout ce qu’il faudra. Je sais que je parle devant des jeunesses, et je ne dirai parole de trop.

Nous en étions restés aux yeux de François, que la Sévère aurait voulu rendre moins honnêtes qu’il ne se vantait de les avoir avec elle. — Quel âge avez-vous donc, François ? qu’elle lui dit, essayant de lui donner du vous,