Il se lança au milieu des rochers… (Page 67.)
― C’est l’abbé Ninfo. »
Le Piccinino se mit à rire d’une manière silencieuse qui avait quelque chose d’effrayant.
« Il me sera permis de le contrarier ? dit-il.
― Moralement. Mais pas une goutte de sang répandu !
― Moralement ! allons, j’aurai de l’esprit. Aussi bien le courage n’est pas de mise avec cet homme-là ; mais puisque nous voici d’accord ou à peu près, il est temps de m’expliquer pourquoi cet enlèvement.
― Je te l’expliquerai en route, et tu réfléchiras chemin faisant.
― Impossible. Je ne sais pas faire deux choses à la fois. Je ne réfléchis que quand j’ai le corps en repos. »
Et il se recoucha tranquillement après avoir rallumé sa cigarette.
Fra-Angelo vit bien qu’il ne se laisserait pas emmener les yeux fermés.
― Tu sais, dit-il sans laisser percer aucune impatience, que l’abbé Ninfo est le suppôt, l’espion, l’âme damnée d’un certain cardinal ?
― Ieronimo de Palmarosa.
― Tu sais aussi qu’il y a dix-huit ans, mon frère aîné, Pier-Angelo, a été forcé de fuir…
― Je le sais. C’était bien sa faute ! Mon père vivait encore. Il eût pu se joindre à lui au lieu d’abandonner son pays.
― Tu te trompes ; ton père venait de périr. Tu étais enfant ; j’étais moine ! Il n’y avait plus rien à faire ici.
― Continuez.
― Mon frère est revenu, comme tu sais, il y a un an ; et son fils, Michel-Angelo que voici, est revenu il y a huit jours.
― Pourquoi faire ?
― Pour aider son père dans son métier, et son pays dans l’occasion. Mais une dénonciation pèse déjà sur sa tête ainsi que sur celle de son père. Le cardinal a encore de la mémoire et ne pardonne point. L’abbé Ninfo est prêt à agir en son nom.
― Qu’attendent-ils ?
― J’ignore ce que le cardinal attend pour mourir ; mais je puis dire que l’abbé Ninfo attend la mort du cardinal.
― Pourquoi ?