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LE SECRÉTAIRE INTIME.



Ajoutez les formules d’usage… (Page 37.)

— Approchons de cette lanterne, dit Galeotto, et lisez ce billet, que M. Sparco ou Sparchi, je ne sais comment vous l’appelez, a laissé misérablement tomber de sa poche tout à l’heure, tout en se donnant avec vous les airs d’un profond scélérat. »

Saint-Julien reconnut sur-le-champ l’écriture de Quintilia, et lut avec stupeur ce peu de mots :

« Puisque je ne puis voir Rosenhaïm au pavillon cette nuit, j’irai te trouver, cher Spark ; laisse ouverte la porte de ta maison qui donne sur la rivière. »

« Tu vois, dit Galeotto, que M. Sparchi est un bon diable, très-accommodant, point jaloux et vraiment philosophe. Nous autres, nous aurions peut-être le sot orgueil de vouloir au moins être rois absolus pendant trois jours. Peu lui importe, à ce bon Allemand, qu’une belle princesse vienne le trouver la nuit. Il ôtera sa pipe de sa bouche pour dire : « Eh ! eh ! » Mais que le pavillon et M. de Rosenhaïm aient la préférence et remettent son bonheur au lendemain, il reprendra sa pipe en disant : « Ah ! ah ! » Eh bien ! Julien, qu’as-tu à faire cette mine de tortue en colère ? Marchons.

— Où veux-tu que nous allions ?

— Au bord de la rivière. Nous verrons passer la princesse incognita ; et nous aurons soin de baisser les yeux comme les sujets du prince Irénéus, lorsqu’ils le rencontraient vêtu de cette fameuse redingote verte qui, au dire de tout le monde, le rendait méconnaissable.

— Galeotto, dit Julien avec angoisse, je crois que tu es le diable. »

Ils passèrent quelque temps à chercher, autour de la maison que Spark habitait, une cachette convenable. Cette maison appartenait à un menuisier qui avait consenti à la céder tout entière pour quelque temps. Spark y vivait donc seul et ignoré dans l’endroit le plus désert de la résidence. Ses fenêtres donnaient sur la Celina et sur des massifs de saules où les deux amis purent facilement se cacher. Un quart d’heure après minuit, le silence fut troublé par un léger bruit de sillage, et ils virent glisser devant eux une petite barque montée par deux hommes.

« Ce n’est pas cela, dit Julien.

— Silence ! dit Galeotto. Il me semble que je reconnais le coup de rames. La Gina est fille d’un gondolier de Venise. »