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SIMON.

d’elles. En elles, rien ne résiste, rien ne se défend de l’enthousiasme, parce que leur premier besoin est de chérir et d’admirer. Les conseils de la prudence et de l’intérêt personnel sont étouffés par ce besoin d’amour et de dévouement qui les déborde.



Il est là ! Courez donc dessus ! (Page 14.)

Mais, après les élans de la joie et le sentiment de l’adoration, Simon sentit le besoin de renouveler cette pure jouissance à la source qui l’avait produite. Il lui fallait revoir mademoiselle de Fougères ; tout ce qui n’était pas elle n’existait plus. La tendresse que sa mère lui avait uniquement et exclusivement inspirée jusque-là s’affaiblissait elle-même sous les tressaillements convulsifs de son cœur impatient. Il s’effraya des ravages de cet incendie, sans penser d’abord à l’éteindre ; mais plusieurs jours écoulés sans revoir Fiamma portèrent son désir à un tel point d’angoisse et de souffrance qu’il sentit la nécessité de le combattre.

Simon ne s’était pas beaucoup inquiété jusque-là de ce qu’il éprouvait. Il n’avait pas encore aimé, il ne savait pas à quel ennemi il avait affaire ; il s’imaginait qu’il triompherait dès qu’il serait bien résolu à triompher, dès qu’il lui serait prouvé que les souffrances de cet amour l’emportaient sur les joies. Cet instant venu, il appela la réflexion à son secours. Il se demanda sur quelle certitude était fondée cette admiration extatique qui absorbait toutes ses pensés, quel lien durable quelques paroles échangées avec cette jeune fille pouvaient avoir cimenté. En quoi s’était-elle montrée grande, forte, magnanime, brave, sincère ? Qu’avait-il vu ? une lutte enfantine avec un oiseau de proie, et l’ardeur romanesque d’une jeune tête pour des idées généreuses dont l’application serait peut-être au-dessus de la portée de son caractère.

Mais, hélas ! toutes les réflexions de Simon manquèrent leur but, et ses armes tournèrent leur pointe contre son coeur. Plus il y songeait, plus Fiamma se trouvait digne de son enthousiasme. Ce n’était pas un enfant, la femme qui se condamnait au silence et à la feinte depuis six mois plutôt que d’échanger ses nobles pensées avec des êtres indignes de la comprendre ; et ce qu’aucune adulation n’avait pu obtenir de sa défiance stoïque, Simon l’avait conquis avec un regard. Profond comme la sagesse et hardi comme la bonne foi, celui de Fiamma avait lu en lui rapidement, et sa langue s’était déliée comme par magie. Elle lui avait dit le secret de son âme,