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LE PICCININO.



Il se traîna sur les genoux. (Page 141.)

― Non, mais elle sera inquiète. Je ne l’embrasserai pas : partons. Chemin faisant, nous trouverons un motif à lui donner de mon absence et un exprès à lui envoyer.

― Ce serait fort dangereux pour elle et pour nous, reprit le moine. Laissez-moi faire : c’est cinq minutes de retard, mais il le faut. »

Il rejoignit la princesse, et lui parla ainsi en présence du marquis :

« Carmelo est caché dans notre couvent ; il est dans les meilleurs sentiments pour Votre Altesse et pour Michel. Il veut se réconcilier avec lui avant de partir pour une longue expédition que nécessite l’affaire de l’abbé Ninfo et les rigueurs ombrageuses de la police depuis ce moment-là. Il a aussi quelques services à demander à son frère. Permettez donc que nous partions ensemble, et si nous étions observés, ce qui est fort possible, je garderais Michel au couvent jusqu’à ce qu’il pût en sortir sans danger. Fiez-vous à la prudence d’un homme qui connaît ces sortes d’affaires. Michel passera la nuit peut-être au couvent, et quand il resterait plus longtemps, ne vous alarmez pas, et surtout ne l’envoyez pas chercher ; ne nous adressez aucun message qui pourrait être intercepté et nous faire découvrir donnant asile et protection au proscrit. Que Votre Altesse me pardonne de ne pouvoir en dire davantage pour la rassurer. Le temps presse ! »

Quoique fort effrayée, Agathe cacha son émotion, embrassa Michel, et le reconduisit jusqu’à la sortie du parc ; puis elle l’arrêta :

« Tu n’as point d’argent sur toi, dit-elle ; Carmelo peut en avoir besoin pour sa fuite. Je cours t’en chercher.

― Les femmes pensent à tout, dit Fra-Angelo ; j’allais oublier le plus nécessaire. »

Agathe revint avec de l’or et un papier qui portait sa signature, et que Michel pouvait remplir à son gré, pour servir de mandat à son frère. Magnani venait d’arriver. Il devina, à l’agitation de la princesse et aux adieux que lui faisait Michel, en la rassurant, qu’il y avait un danger réel que l’on cachait à cette tendre mère.

« Est-ce que je vous serai nuisible si je vous accompagne ? demanda-t-il au moine.

― Tout au contraire ! dit le moine, tu peux nous être fort utile au besoin. Viens ! »

Agathe remercia Magnani par un des regards de l’amour maternel qui sont plus éloquents que toutes les paroles.

Le marquis eût voulu se joindre à eux, mais Michel s’y opposa.