Page:Sand - Œuvres illustrées de George Sand, 1853.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
LE CHÂTEAU DES DÉSERTES.



Je n’attendis pas longtemps Don Juan et Leporello… (Page 99.)

— Mais comme elle est en colère ! c’est peut-être un voleur ! dit la petite.

— Est-ce qu’il y a des voleurs ici ? me cria l’aînée en riant ; monsieur le voleur, répondez.

— Ou bien, c’est un curieux, ajouta l’autre. Monsieur le curieux, vous perdez votre temps ; vous vous enrhumez pour rien. Vous ne nous verrez pas.

— À toi, Hécate ! mange-le !

Hécate n’eût pas demandé mieux, si elle eût osé. Bruyante, mais craintive, comme le sont les levrettes, elle reculait hérissée de colère et de peur, quoiqu’elle fût de taille à m’étrangler.

— Bah ! ce n’est personne, dit l’une des demoiselles, elle crie après la statue qui est là au fond de la grotte.

— Et si nous allions voir ?

— Ma foi non, j’ai peur !

— Et moi aussi, rentrons !

— Appelons nos garçons !

— Ah bien oui ! ils ont bien autre chose en tête, et ils se moqueront de nous comme à l’ordinaire.

— Il fait froid, allons-nous-en.

— Il fait peur, sauvons-nous !

Elles rentrèrent en rappelant la chienne. Tout se referma hermétiquement, et je n’entendis plus rien pendant un quart d’heure ; mais tout à coup les cris d’une personne qui semblait frappée d’épouvante retentirent. On parla haut sans que je pusse distinguer ni les paroles ni l’accent. Il y eut encore un silence, puis des éclats de rire, puis plus rien, et je perdis patience, car j’étais transi de froid, et la maudite levrette pouvait me trahir encore, pour peu qu’on eût le caprice de venir poser de jolis petits bras nus sur la neige de la balustrade. Je regagnai la maison Volabù, certain qu’on ne m’avait pas tout à fait trompé, et qu’on travaillait dans le château à une œuvre inconnue et inqualifiable, mais un peu honteux de n’avoir rien découvert, sinon qu’on arrangeait le cimetière et qu’on se moquait des curieux.

La nuit était fort avancée quand je me retrouvai dans ma petite chambre. Je passai encore quelque temps à rallumer mon feu et à me réchauffer avant de pouvoir m’endormir, si bien que, lorsque Volabù vint pour m’éveiller avec le jour, il n’osa le faire, tant je m’acquittais en conscience de mon premier somme. Je me levai tard. Il avait eu le temps de me préparer mon déjeuner, qu’il