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CONTES

avec un trouble magnifique descendre dans son âme l’âme supérieure des Grands Dieux.

Ces jours-là, à l’heure où l’ombre des arbres s’allonge, et où le soleil couchant invite les laboureurs à délier les bœufs, il restait longtemps, assis sur une borne, à voir les lumières s’allumer dans la vallée, et c’était avec une indicible mélancolie qu’il regagnait les forêts pleines de ténèbres. La nuit, il évitait les clairières où s’ébattaient les chœurs des chèvre-pieds et des satyres, et il passait vite devant les grottes obscures, d’où s’échappaient des rires lascifs ; parfois quelque dryade, qu’excitait l’étrangeté fameuse de ses yeux d’azur, saisissait son bras au passage, l’attirait vers elle. Pendant un instant, les souffles de la nuit, l’haleine âcre de la lourde chevelure qui l’inondait, et aussi les conseils obscurs du sang, le faisaient s’arrêter ; puis, brusquement, il repoussait la dryade, et, comme pris de honte, il courait laver à la fontaine voisine l’empreinte encore brûlante de ses