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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN

des formes pleines, et, un soir de causerie heureuse longtemps prolongée, elle vit dans les yeux de Maurice que, elle aussi, elle allait s’appeler l’Amour. Ce fut un enivrement étonné, une joie dont elle n’était pas sûre, dans laquelle elle marchait avec des tâtonnements, comme éblouie. Une activité inquiète la saisit. Elle s’amusa aux enfantillages des aménagements, combina un mobilier nouveau, fit tendre des pièces claires. Projetée en quelque sorte hors d’elle-même, dans une passion d’espérance, pour la première fois de sa vie, elle se sentit heureuse. Même elle rêva d’un voyage dans les pays du Sud, vers les mers tièdes, parmi les villes aux noms mélodieux, où l’air a le parfum du miel…

Tout à coup, René tomba malade de la fièvre typhoïde ; vu sa situation, le docteur défendit formellement à Divine d’approcher l’enfant ; mais il avait compté sans ce cœur étrange. Dès la première heure, l’âme, on eût dit, pénitente, elle s’installa près du