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CONTES

quelque inconsciente coquetterie à justifier cette opinion, d’autant qu’elle y trouvait une barrière morale, derrière laquelle elle était mieux à l’abri des curiosités ; et elle vivait ainsi la vie calme des vierges, quand un épisode sentimental de l’ordre le plus simple vint bouleverser son existence.

Un ami d’enfance, Maurice Damien, revint passer en province ses vacances. Or, à le voir, à lui parler ― car il venait fréquemment chez elle, à cause des rapports étroits qui liaient les deux familles ― à évoquer dans les allées du grand jardin sablé de rouge les enfantillages d’autrefois, Divine sentit peu à peu son cœur s’inquiéter. Les vagues tendresses, flottant encore en elle comme une vapeur du matin, furent traversées d’un rayonnement très doux. Des détails, insignifiants jusque-là, prirent un intérêt singulier à ses yeux ; les heures monotones se colorèrent ; et il y eut en elle le trouble et le ravissement d’une révélation.