Page:Samain - Œuvres, t3, 1921.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN

que devait s’imprégner pour la vie la substance délicate de son âme.

Ce qu’elle perdait à cette susceptibilité de cœur immodérée, elle s’en rendait bien compte ; et, parfois, la constatation des joies faciles dont elle s’était ainsi volontairement privée la poignait jusqu’aux larmes. Alors elle essayait de réagir, elle se promettait de prendre exemple de ses petites compagnes. Pendant une heure, dans l’entraînement du jeu, elle tentait de se donner le change. Animation factice, qui tombait bientôt après, si bien que souvent, le soir même, brûlant d’obtenir quelque faveur de sa mère, au moment de se jeter dans ses bras, elle s’arrêtait, hésitante, et finissait par aller se coucher sans rien dire.

Une telle répugnance à livrer le secret de ses sentiments lui faisait peu à peu contracter l’habitude du renoncement ; et de cette habitude devait naître, par la suite, un goût passionné et presque barbare du sacrifice, un