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POÈMES INACHEVÉS

Et les roses dans les grands vases florentins
Versent un lourd vertige aux horizons lointains.
Mais de l’Occident riche où la lumière sombre
Ce qui s’exhale est triste à l’infini dans l’ombre ;
Et les femmes penchant leur peine sur les fleurs
Dans l’âme des parfums respirent leurs douleurs
Et sentent dans leur cœur opprimé par la terre
Descendre comme un grand désespoir solitaire…
C’est dans la salle triste et dans le soir navré
Un long sanglot montant comme un Miserere.

Or, voici s’élever, là-bas, vers la rivière
La sonore chanson des bonnes Lavandières
Qui reviennent, parmi des rires ingénus,
Saines, le baiser frais des eaux à leurs bras nus,
Contentes du labeur utile des Journées
Et soumises dans leur simplesse aux Destinées.
Leur chant robuste verse, en larges accords purs,
Un flot vivant de joie et d’aise aux champs obscurs ;
Et rien qu’en l’entendant, là-bas, les mornes femmes
Sous le satin splendide ont eu froid dans leurs âmes
Et, le cœur traversé du grand frisson humain,
Ont crié vers la vie, en meurtrissant leur sein.