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POLYPHÈME


Le silence est sonore et ressemble, ô merveille !
Au bruit d’un coquillage appuyé sur l’oreille…
Même je suis saisie en entendant ma voix.
Tout dort… et seuls des feux de bergers, par endroits,
Font au sommet des monts une petite flamme.

Elle demeure un moment rêveuse.
Soudain on entend un grand cri terrible,
suivi d’un grand silence.

Oh ! ce cri !… c’est affreux… J’en ai froid jusqu’à l’âme !

Elle court au fond de la scène, éperdue.

Acis !… C’est toi ?…

Elle écoute.

Mais non, j’entends sur le chemin
Sa chanson… Mon cœur bat à rompre sous ma main.

Respirant.

Alors, c’est sur les monts, là-haut, dans quelque gorge,
Quelque monstre blessé que Polyphème égorge.

Elle écoute un moment encore.

Oui, car tout redevient déjà silencieux…
Rien… plus rien que le bruit des vagues sous les cieux…
Dieux, que le doux sommeil descende sur ma couche !

Elle retire lentement ses voiles, s’asseyant
sur sa couchette.

Ah ! les baisers d’Acis sont encor sur ma bouche…