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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN


L’obscurité est presque complète. À ce
moment, Polyphème surgit. Brusquement,
comme si quelque bouleversement
mystérieux se passait en
lui, il s’arrête et, lentement, lentement,
il abaisse ses poings.

POLYPHÈME,
à part, tordant ses mains.

Quel sentiment étrange arrête ainsi mes bras ?
J’ai beau vouloir… je sens que je ne pourrai pas.
Tant d’amour devant moi !… dérision vivante !…

Il veut encore s’élancer ; puis reste
comme pétrifié.

Je ne peux pas tuer !… Leur bonheur m’épouvante !.

Vaincu, il recule lentement.

GALATÉE,
se dressant à demi.

N’as-tu pas entendu ce bruit dans le buisson ?

ACIS,
la ramenant à lui, doucement.

Oui, souvent la nuit donne aux feuilles ce frisson.

Bruit de baisers. — Polyphème écoute :
une brusque poussée de fureur le
rejette en avant ; puis il s’arrête,
raidi de souffrance.

POLYPHÈME,
à part.

Oh ! ces larges baisers qui tombent goutte à goutte !…