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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN


Pris du désir terrible et fou de t’emporter,
Pantelante en mes bras, pour te violenter !
Tu ne sais pas que j’ai deux sillons à ma face
À force de pleurer !… Tiens, regarde la place
Où mes ongles ardents s’enfoncent nuit et jour,
Tant j’ai le cœur, vois-tu, dévoré par l’amour !…
Tu ne sais pas que j’ai le feu dans les entrailles ;
Que, le jour, je me roule en sang dans les broussailles,
Et qu’en haut sur les monts souvent le fauve a fui
En m’entendant hurler aux étoiles, la nuit !…

Reprenant une voix de douceur.

Pourtant je ne suis pas tant que tu crois farouche :
Tiens, regarde, ma bouche est tout près de ta bouche…
Songe que, pour ta robe effleurée en passant,
Il me coule un ruisseau de parfums dans le sang ;
Songe que je conserve en des cachettes sûres
Le fruit vert où tes dents ont laissé leurs morsures ;
Songe qu’à deux genoux je me traîne aux sentiers
Pour adorer la terre où tu posas tes pieds !

Cela ne te fait rien ?… Oh ! ces yeux que j’implore !
Quand tu les ouvres, c’est comme un ciel à l’aurore…