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POLYPHÈME

Souvent quand j’étais las, après nos courses folles,
Je montais à cheval sur tes larges épaules…
Nous passions à travers les villages, la nuit…
Le long des jardins noirs, tu me cueillais un fruit.
Nous faisions des échos dans les endroits sonores ;
Sur le bord de la mer il passait des Centaures
Qui couraient au galop, plus vite que le vent,
Sous la lune… Tu t’en souviens ?

Polyphème, avec tristesse.

Sous la lune… Tu t’en souviens ? Oui, mon enfant.

Lycas

Un vieux surtout, si grand, avec sa barbe blanche,
Et sa massue énorme appuyée à sa hanche.
Il causait avec toi longtemps, marchant au pas…
Moi, j’étais ennuyé, je ne comprenais pas.
Tu me contais souvent qu’il savait les mystères
De la terre et du ciel.

Polyphème

De la terre et du ciel. Ô beaux soirs solitaires !
C’est vrai, je me souviens, il me disait, un jour :
« Prends garde, il est des cœurs trop tendres pour l’amour.
« Toute âme devient folle à l’odeur de la femme.