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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN


Des besoins de hennir comme un jeune étalon !

Il fait quelques pas, puis se laisse
retomber découragé.


À présent, lourdement, je traîne ma journée.
Vers un seul but mon âme à toute heure est tournée.
Je marche sans savoir, et, de longs jours ardents,
Je demeure immobile et des sanglots aux dents,
À regarder mourir le flot sur le rivage.
L’ennui mange mon cœur, mon cœur tendre et sauvage.
Elle est là… toujours là… Je ne puis l’arracher !…
Elle est là… Je la vois rire, parler, marcher.
Je vois ses bras, son front, sa lourde chevelure,
Son petit cou d’oiseau, ses fleurs à sa ceinture,
Sa robe claire… Oh ! fou !… Mais c’est surtout, grands dieux
Cette agonie au cœur quand je pense à ses yeux !

Depuis qu’elle est entrée en riant dans ma vie,
Je souffre !… Toute paix d’autrefois m’est ravie…
D’abord, ce fut charmant ; les jours passaient légers :
On eût dit une abeille à travers mes vergers…
Puis l’aimant, je voulus être beau pour lui plaire,
Quand, tout à coup, saisi de trouble et de colère,
Je vis que j’étais laid !…