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CONTES


L’ombre immense était bleue autour d’eux. Des astres brillaient comme des diamants. Des jardins de la côte venaient des senteurs violentes d’orangers, de jasmins et d’acacias. La mer était noire et silencieuse ; au loin, le falot d’une barque de pêcheurs propageait de vague en vague son reflet rouge.

― Écoute, ami, dit Angisèle, en forçant doucement Rovère à se rasseoir près d’elle, ne t’ai-je point confié autrefois ce que je souhaitais le plus au monde ? Ici, j’ai réalisé mon rêve, ne me plains donc pas ; j’ai connu le bonheur, et quelque chose de supérieur et d’irrésistible proclame en moi que c’est là le but de toute vie ; mais cette même voix m’affirme aussi que c’en est le terme. Toute chose l’ayant atteint s’en détache doucement, sa destinée accomplie, et c’est ainsi que je ferai à mon tour, car mon âme a compris la loi, plus claire ici que dans notre triste pays de deuil et de misère, où la pensée de la mort est si cruelle, parce qu’on attend toujours la vie…