Page:Samain - Œuvres, t3, 1921.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
157
CONTES


― Écoute, Angisèle, reprit Rovère, j’ai épuisé, moi, ce que le monde contient de beauté, et j’ai vu que là n’est point le véritable aliment de notre cœur. Il y a dans les choses extérieures une limite qu’atteignent vite nos sens, une sécheresse qui brûle vite notre âme. Les simples plis de ta robe noire m’ont fait sentir et comprendre plus de choses que les plus beaux spectacles de l’univers. As-tu jamais songé d’ailleurs que cette beauté dont tu parles n’est partout et ne peut être que le résultat et le prix d’une douleur ? Oui, tout tend vers la Beauté, tout lutte, tout s’efforce, tout s’épuise pour la réaliser ; mais, comme elle est infinie, ceux-là seuls s’en approchent le plus qui doivent le plus à la Douleur. C’est dans la douleur que tout se crée dans le monde. Crois-moi, l’amour le plus profond n’est pas celui qui jouit, mais celui qui souffre.

― Oh ! Rovère, s’écria Angisèle d’une voix sombre et révoltée, ma mère est morte… ma