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CONTES

la contrarier pour en triompher. En traversant ces hameaux déserts, ces campagnes dolentes, ces villes à demi-mortes, il trouvait à présent une beauté à ces misères et un sens à ces pauvretés. Une énergie singulière croissait en lui ; déjà il entrevoyait l’exercice de sa volonté, la dépense de sa force morale, comme la source de joies plus vastes et plus rayonnantes ; et comme l’athlète qui, dans l’air vide, étire ses muscles en vue du combat prochain, il nourrissait en lui l’obscur désir de s’essayer contre la destinée. Angisèle était d’ailleurs l’agent le plus puissant de cette évolution. Tout ce qui flottait épars sur cette terre de souffrance se résumait en elle et sortait comme un conseil intime de ses gestes graves et de ses yeux pâles et profonds. Rovère la sentait au centre de sa vie, et quand, à certaines heures, il prononçait son nom, il lui semblait ouvrir tout à coup au fond de lui-même la porte d’un sanctuaire où, dès le premier pas, il marchait enveloppé