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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN

leur vie, assise à côté de la mort, en avait pris la grandeur et le mystère, et le sel sacré des larmes gardait leur chair de la pourriture des sens. Leurs âmes étaient hautes et sombres comme des églises. Ils priaient comme on respire, et, comme la lande, comme la mer et comme le ciel, leurs cœurs étaient simples et infinis.

Rovère respirait de toutes parts cette spiritualité qui flottait dans l’air avec l’embrun du large, et peu à peu l’essence même de la nature s’en trouvait modifiée. Son âme, jusque-là facile et comme répandue sur ses rives, se résorbait, se condensait comme pour emplir au fond de lui-même de mystérieux et profonds réservoirs. À cette ivresse du monde extérieur dans laquelle il avait vécu jusque-là, succédait maintenant un souci plus âpre et plus poignant. Au lieu de jouir passivement de la vie, l’âme allongée dans sa paresse dorée, il éprouvait maintenant le besoin de la traiter en maître et de